Vu la procédure suivante:
Par une requête enregistrée le 20septembre2022, MmeB A, agissant tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de M.D A, représentée par MeHumbert, demande au juge des référés:
1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article R.532-1du code de justice administrative, une expertise portant sur les conditions dans lesquelles M.D A a été pris en charge au centre hospitalier salonnais à compter du 26novembre2021en raison de douleur dorsale au niveau du cœur, jusqu’à son décès le 30novembre2021 ;
2°) de dire que l’expert pourra s’adjoindre de tout sapiteur de son choix ;
3°) d’ordonner le dépôt d’un pré-rapport ;
4°) de réserver les dépens.
Par un mémoire enregistré le 15mars2023, le centre hospitalier de Salon de Provence, représentée par MeCarlini, déclare ne pas s’opposer à la demande d’expertise, sous ses plus expresses protestations et réserves et demande au juge des référés:
1°) de compléter la mission de l’expert ;
2°) de rejeter toute autre demande ;
3°) de réserver les dépens.
La procédure a régulièrement été communiquée à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n’a pas produit d’observation.
Vu:
— les autres pièces du dossier ;
— le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné MmeC, première vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référés.
Considérant ce qui suit:
Sur les conclusions à fin d’expertise:
1.Aux termes de l’article R.532-1du code de justice administrative: « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction () ».
2.Il résulte de l’instruction que l’expertise sollicitée par MmeA porte sur les conditions dans lesquelles M.D A a été pris en charge par le service de cardiologie du centre hospitalier salonnais à compter du 26novembre2021en raison d’une altération de son état de santé, jusqu’à son décès le 30novembre2021. La demande d’expertise sollicitée par MmeA, susceptible de se rattacher à une action ultérieure devant le juge du fond et qui ne préjuge en rien des responsabilités encourues, entre dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article R.532-1du code de justice administrative et présente un caractère utile. Dès lors, il y a lieu d’y faire droit et de fixer la mission de l’expert comme il est précisé à l’article 1er r de la présente ordonnance.
Sur le pré-rapport:
3. Aucune disposition du code de justice administrative, ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l’expert d’établir un pré-rapport. L’expert, dans la conduite des opérations de la mesure qui lui est confiée et dont il définit librement les modalités pratiques, de concert avec les parties, ne saurait se voir soumis à d’autres obligations que celles issues du caractère contradictoire de la procédure. L’établissement d’un pré-rapport ne constitue qu’une modalité opérationnelle de l’expertise. Il appartient donc à l’expert d’apprécier la nécessité d’y recourir. Les conclusions de MmeA tendant à ce que l’expert dépose un pré-rapport, ne peuvent qu’être rejetées.
Sur le concours d’un sapiteur:
4. Il ressort des dispositions de l’article R.621-2alinéa 2du code de justice administrative qu’il appartient à l’expert d’apprécier la nécessité de faire appel à un sapiteur et que l’autorisation d’y recourir est subordonnée à l’autorisation du président du tribunal. Par suite, les conclusions de MmeA tendant à ce que le juge des référés dise que l’expert devra se faire assister d’un spécialiste de son choix ne peuvent qu’être rejetées.
O R D O N N E:
Article 1er: Le professeur F E, exerçant à l’HIA St Anne, service cardiologie, BP 20545, 83041Toulon Cedex 9, pour procéder, en présence des parties à l’instance, à une expertise médicale avec la mission suivante:
1°) se faire communiquer l’entier dossier médical de M.D A et plus généralement tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ; entendre tout sachant ;
2°) décrire l’état de santé de M.D A antérieur à son admission au centre hospitalier salonnais à compter du 26novembre2021jusqu’à son décès le 30novembre2021, en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les séquelles en lien avec les soins dispensés ;
3°) décrire les conditions dans lesquelles M.D A a été pris en charge dans le service hospitalier, à compter du 26novembre2021, et préciser, notamment, les examens pratiqués, le traitement entrepris et les soins reçus ; rechercher si les traitements administrés étaient adaptés à l’état du patient ;
4°) donner son avis sur le point de savoir si le ou les manquements du centre hospitalier du pays salonnais éventuellement constatés ont conduit au décès de M.D A ;
5°) rechercher si M. D A a bénéficié d’une information suffisante, si les soins prodigués ont été attentifs, diligents, conformes aux données acquises de la science médicale et, dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des fautes médicales, de soins, dans l’organisation ou le fonctionnement du service, erreurs, imprudences, manquements aux précautions nécessaires, négligences, maladresses ou autres défaillances afin d’éclairer le tribunal sur l’engagement, éventuel, de la responsabilité du centre hospitalier salonnais, enfin, le cas échéant, en cas d’erreur de diagnostic dire si le retard a été à l’origine des préjudices subis et si oui dans quel pourcentage ;
6°) dans l’hypothèse où des manquements des services hospitaliers mis en cause seraient relevés, indiquer précisément les séquelles en relation directe et exclusive avec chacun de ces manquements, déterminer, dans le cas où ces manquements ne seraient pas la cause directe des préjudices subis mais auraient fait perdre à M.D A des chances de les éviter, l’importance de cette perte de chance, en pourcentage ;
7° ) de manière générale, réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, des fautes de soins ou des fautes dans l’organisation des services ont été commises lors de la prise en charge de M.D A ; rechercher si les traitements, interventions et actes médicaux pratiqués ont été exécutés conformément aux règles de l’art ; dire si le décès survenu était inévitable pour n’importe quel opérateur normalement diligent ; déterminer les raisons de la dégradation de l’état de santé de M.D A et des complications dont il a souffert ayant conduit à son décès ; en l’absence de responsabilité de l’établissement de santé, dire si les préjudices subis sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, si cet accident médical non fautif a entraîné des conséquences anormales à l’aune de la probabilité (à définir précisément en pourcentage) habituelle de l’exposition particulière du patient en raison de son état de santé initial comme de son évolution prévisible ;
8°) de manière générale, donner toutes précisions et informations utiles permettant au tribunal de se prononcer sur les responsabilités et l’importance des préjudices subis par M.D A notamment à raison des souffrances physiques, psychiques et ou morales endurées; donner au tribunal tous autres éléments d’information nécessaires à la réparation de l’intégralité du préjudice subi par M.D A à raison des faits en litige.
9°) apporter, d’une manière générale, tous éléments qui seraient utiles à la solution du litige par la juridiction éventuellement saisie.
Article 2: L’expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.621-1à R.621-14du code de justice administrative.
Article 3: En application de l’article R.621-9du code de justice administrative, l’expert déposera son rapport au greffe du tribunal administratif de Marseille en deux exemplaires (1exemplaire numérique + 1exemplaire papier) dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Il notifiera une copie de son rapport à chacune des parties intéressées et, avec l’accord de celles-ci, utilisera à cette fin, dans la mesure du possible, des moyens électroniques.
Article 4: Le surplus des conclusions de MmeA est rejeté.
Article 5: La présente ordonnance sera notifiée à MmeB A, au centre hospitalier de Salon de Provence, à la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au professeur E.
Fait à Marseille, le 3mai2023.
La juge des référés,
Signé
M.C
La République mande et ordonne au ministre de la santé et des préventions en ce qui le concerne ou à tous commissaires à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
La greffière